Nous sommes, nous aussi, un «morceau», probablement le plus gros, de cette génération de «nos meilleures années» qui fait verser aujourd'hui beaucoup d'encre des deux côtés des Alpes. En Italie, pendant les «années de plomb», nous avons nous aussi vécu et lutté pour une société plus juste et plus fraternelle, pour un Etat de droit plus soucieux du respect de l'égalité et de la liberté de ses citoyens. Nous aussi, nous avons ressenti la même rage face aux dérapages et à la corruption dans l'exercice du pouvoir, mais nous n'avons jamais eu l'idée de prendre les armes et avons refusé sans équivoque le terrorisme, jadis et naguère. Car, en deçà de la démocratie (et non au-delà), la porte est étroite et ne laisse passer que les tentations douteuses et décadentes du beau geste.
Nous avons frémi de rage, ce 9 mars 1978, quand via Fani à Rome, à 9 heures du matin, les cinq hommes de l'escorte d'Aldo Moro ont été massacrés par quarante-neuf balles et que l'homme politique italien «le moins impliqué de tous», comme disait Pier Paolo Pasolini, était enlevé et séquestré par les Brigades rouges. Enlevé et séquestré par des «révolutionnaires» qui voulaient porter un coup magistral au «compromis historique» et s'étaient autoproclamés juges du peuple pour une parodie de procès dont le verdict sera la condamnation à mort d'Aldo Moro, exécuté à l'aube dans un garage, à l'intérieur d'un coffre de voiture.
Nous voudrions dire aujourd'hui à tous ceux qui ont fait le choix de la lutte armée, dans l