Bien que le racisme soit une affaire de contenu, il n'est pourtant pas étranger à la forme du message dans lequel il s'inscrit, à savoir le genre de discours qu'on appelle sketch ou blague, dont les humoristes professionnels sont les VRP infatigables. Certes, tous les humoristes ne sont pas des mini-Hitler, mais les conditions du message et les situations scéniques propres au sketch favorisent leur trivialité structurale. Il faut donc distinguer l'humour de son actualisation par une fonction transpersonnelle «l'humoriste». Le sketch d'humoriste réunit certaines potentialités objectives qui le rendent susceptible de dérapages : il est programmé pour déraper. Si très peu d'humoristes de talent émergent, la raison est peut-être moins historique que structurale : et si les comiques de scène étaient, au double sens du terme, mauvais ? Entre les consternants Bigard, Eric et Ramzy, Dieudonné et consorts, le point de convergence n'est pas seulement la bêtise, c'est que leur vulgarité personnelle entre en affinité avec les règles du genre , qui déterminent fortement leurs messages véhiculés sous forme de blagues.
Le dégoût que j'éprouve pour les blagues vient qu'elles dépendent d'un certain nombre de conditions enfermantes : la blague est d'abord une structure close, un genre de discours ultra-contraint qui doit nécessairement raconter une histoire, comporter une fin, et trouver son acmé dans une chute qui n'est là que pour confirmer un stéréotype (il n'y a presque jamais de blague