Pendant quinze jours, Libération interroge des Français touchés par la politique gouvernementale.
Aujourd'hui, Jean-Claude Lenoir, 53 ans, prof de technologie à Calais. Mis en examen pour avoir aidé des clandestins sans-abri, il risque dix ans de prison.
«En juin 2003, après trente-six heures de garde à vue, j'ai été mis en examen pour "aide à l'entrée ou au séjour irrégulier d'un étranger, en bande organisée". J'ai hébergé et nourri des migrants qui vivent à la rue à Calais. J'en ai aussi accompagné à la poste, en donnant mon identité devant témoins, pour leur permettre de toucher de l'argent de leur famille. Sans papiers, ils ne peuvent pas. J'ai gardé copie de tous les documents. C'est moi qui en ai parlé aux flics quand ils sont venus m'arrêter. Mon avocat m'a dit que je serai jugé avec une mafia de passeurs, qui a des ramifications en Belgique et en Norvège. J'ai eu les traductions des écoutes ; à aucun moment, on ne parle de moi !
«L'enquête est close. Je sais qu'ils n'ont rien trouvé, puisqu'il n'y a rien, mais ma femme le vit mal. Ça laisse des traces. Je suis un sous-citoyen, sans carte d'identité. En tant que président du comité départemental de voile du Pas-de-Calais, je devrais aller en Angleterre pour l'organisation des courses. Je ne peux plus sans papiers. Ça m'a pourri la vie. Pourtant, aujourd'hui, je referais la même chose.
«Dans les années 60, les réfugiés polonais arrivaient sous les trains à la gare maritime ; certains mouraient congelés. Mon père, cheminot,