En pantoufles, les yeux plissés et pétillants devant un Apple Titanium, Edgar Morin réfléchit une seconde. Il s'exprime vivement et clairement. Seule une déglutition pénible trahit son âge. Le mot «grotesque» trouve rapidement la sortie. «Grotesque», comme l'accusation de «diffamation à caractère racial et apologie des actes de terrorisme» portée au civil contre lui par les associations Avocats sans frontières et France-Israël. Pour avoir écrit notamment : «Les juifs qui furent victimes d'un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens.» Parues dans une tribune libre du Monde, ces sentences sont trop explosives dans l'hypersensible climat actuel. Il a été relaxé hier par le tribunal de Nanterre. Sa position demeure : il n'y a pas réveil d'un indécrottable antisémitisme en Europe, mais développement d'un «antijudaïsme arabe», produit spécifiquement par la tragédie israélo-palestinienne. Notamment chez les jeunes. Nuance.
Il fut ancien résistant dans le même réseau que Mitterrand, et communiste défroqué et autocritiqué dès 1958. Ami de Marguerite Duras, Dionys Mascolo et Robert Antelme, et analyste mondialement reconnu de la «rumeur d'Orléans» et des révoltes juvéniles de 68. Architecte grandiloquent de la Méthode, prophète universaliste, et globe-trotter gouroutisant de la Terre patrie. Et voilà que ce presque sosie de Frédéric Dard, cette figure débonnaire de mamamouchi stoïque et solaire, ce monument intellectuel républicain d'origine séfarade se retrou