Longtemps, vous vous êtes couchés de bonne heure sans avoir le temps de lire Proust, mais, de la Recherche du temps perdu, vous connaissez au moins le titre du premier volume : Du côté de chez Swann. Que va-t-on faire de ce côté-là, où est-ce, et y a-t-il des trains directs pour s'y rendre ? Le narrateur de la Recherche répond assez clairement aux deux premières questions : «Il y avait autour de Combray deux "côtés" pour les promenades (...) : le côté de Méséglise-la-Vineuse, qu'on appelait aussi le côté de chez Swann parce qu'on passait devant la propriété de M. Swann pour aller par là, et le côté de Guermantes.»
Millefeuille. En avant, donc, pour le côté de Méséglise-la-Vineuse, que les cartes routières du XXIe siècle persistent à connaître sous le nom de Méréglise. Le village se trouve dans l'ouest d'Illiers, cette commune beauceronne que Proust a prise pour modèle pour créer son Combray. Mais d'abord cet avertissement, qui va clignoter en grandes lettres rouges tout au long de la route au point d'en devenir assommant : s'il y a une erreur à ne pas commettre dans une excursion proustienne, c'est de croire qu'il existe une équivalence directe, univoque, entre un lieu évoqué dans l'oeuvre et un lieu réel. On n'a jamais sous les yeux qu'une composante d'un ensemble stratifié comme un millefeuille. Et puis, comme disait Proust, «la réalité n'est jamais qu'une illusion sur la voie de laquelle on ne peut aller bien loin». Il est toujours temps de faire demi-tour