Fouet à la main, mince sourire aux lèvres, un homme en uniforme et casquette tient en respect un groupe de lions et lionnes rugissant, sous les regards d'une foule en canotiers et bibis. En arrière-plan, une barre de rochers abrupts. Ils étaient alors flambant neufs, aujourd'hui ils vacillent. Le cliché a soixante-dix ans, la foule qui se presse est celle des visiteurs accourus au parc zoologique du bois de Vincennes, peu après son inauguration, en juin 1934. Celle-ci fut, indiscutablement, un triomphe. Le lieu avait deux vertus : il était le miroir d'une nouvelle représentation du rapport de l'homme à la faune sauvage et le chantre de la puissance coloniale de la IIIe République.
Mets du monde, pirogue et pagode
«La France, de par son empire colonial, se devait de posséder un pareil organisme», décrète le premier guide officiel du parc. De fait, le zoo de Vincennes (alias «zoo de Paris») est l'héritier direct en esprit et en animaux de l'exposition coloniale internationale, le plus grand événement populaire français de l'entre-deux-guerres. Ultime grand oeuvre de «Lyautey l'Africain», elle a accueilli de mai à novembre 1931, au bois de Vincennes, 34 millions de visiteurs, dégagé un bénéfice record (en pleine dépression) de 35 millions de francs, le tout en présentant sur 110 hectares un grand spectacle de propagande impériale : un remake du temple d'Angkor, une pagode bouddhiste (toujours en place), des courses de chameaux et des danses folkloriques, des mets du monde, des promenades en pirogue et à cha