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Libération
Interview

«Le mépris des classes populaires»

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publié le 21 octobre 2004 à 2h40

Emmanuel Todd, démographe, est notamment l'auteur de l'Illusion économique et d'Après l'Empire. En novembre 1994, dans une note de la fondation Saint-Simon, il analysait le rejet du discours libéral et européen par les classes populaires et estimait que celles-ci pourraient voter Chirac en 1995.

En développant des thèses libérales, Nicolas Sarkozy risque-t-il de se couper de l'électorat populaire ?

Il commet la même erreur qu'Edouard Balladur en 1994 : il croit qu'il pourra être élu en plaisant aux personnes âgées et aux personnes qui n'ont pas de problèmes majeurs, tout en menant une politique économique classique, c'est-à-dire douloureuse pour les ouvriers et les employés. L'innovation qu'il a apportée a été sa politique sécuritaire quand il était au ministère de l'Intérieur. Mais croire que l'on peut satisfaire l'électorat populaire avec une politique sécuritaire traduit un grand mépris de ces classes populaires et conduit toujours à des désastres électoraux. Les électeurs français sont très compétents, ils comprennent parfaitement les enjeux économiques. Plus que le ministre de l'Intérieur, Sarkozy restera pour eux celui qui n'aura pas osé rester plus de quelques mois au ministère le plus important pour le pays : celui de l'Economie.

Mais comment expliquer son succès ?

Quel succès ? On n'a aucune preuve matérielle qu'il plaise à un électorat dépassant celui des Hauts-de-Seine. En 1995, quand il était le bras droit et le stratège d'Edouard Balladur, il a perdu. En 1999, il ét