En février, sous les fenêtres de la prison de la Santé, près du boulevard Arago à Paris, les gardes sont surpris. Un accordéoniste, un siffleur, une rousse qui gratte la guitare, toute une petite troupe chante à pleins poumons. Des chants révolutionnaires ou anarchistes, des chants de la Commune de Paris. Les barreaux des cellules s'ornent de tissus rouges. «Qui est le responsable ?», râlent les policiers. «Nous sommes tous responsables !», clament les chanteurs. «Que faites-vous là ?», continue la commissaire appelée en renfort. «Pour gagner du temps», Lucio, 73 ans, leur a tenu un discours : «Nous chantons pour les prisonniers, des chants qu'il faudrait apprendre dans toutes les facultés, ce sont des chants de la Commune, des chants de notre histoire !» Il a pointé du doigt un homme et une femme. Deux avocats, Mes Irène Terrel et Jean-Jacques de Felice : «Ce sont les avocats de Cesare Battisti, nous chantons pour lui !» Mais l'écrivain, depuis en cavale, n'a rien entendu. Sa cellule ne donnait pas sur la rue.
Ce soir-là, les gars accrochent des tissus rouges aux barreaux, certains chantent aussi. Les policiers laissent les chanteurs égayer un moment la vieille prison puis, presque gentiment, les repoussent vers le boulevard. La même scène s'est répétée en juin, le soir de la Fête de la musique. «Nous avons dit que les prisonniers ont droit aussi aux chants et je voyais bien de la sympathie dans les yeux des policiers !», se souvient Lucio. «Ils ont d'abord dit qu'ils allaie