Hervé Coutau-Bégarie est un spécialiste français de la stratégie qu'il enseigne à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) de Paris. Président de l'Institut de stratégie comparée (www.stratisc.org), auteur d'un Traité de stratégie (éditions Economica), il revient, pour Libération, sur l'évolution récente de la guerre.
L'arrivée des robots militaires va-t-elle changer la nature de la guerre ?
Elle amplifie à l'extrême des tendances qui se manifestent depuis une vingtaine d'années et que les experts américains ont baptisées «revolution in military affairs» (RMA). Il s'agit d'une tendance technique qui vise à exploiter toutes les potentialités des matériels afin de réduire l'incertitude sur le champ de bataille. Pour les théoriciens, c'est une sortie de ce que Carl von Clausewitz appelait la «friction de la guerre», le fait que durant la bataille les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Avec la RMA, la bataille devient un procédé purement technique. Celui qui le maîtrise gagne.
Concrètement ?
Avec les armes de précision comme les bombes guidées, on touche sa cible presque à tous les coups. Un tir, c'est un coup au but. D'un point de vue historique, c'est le summum de la précision du feu. Ensuite, les tirs se font désormais à grande distance de la cible, ce qui permet d'obtenir le summum de la protection. Enfin, l'ensemble des moyens aériens et des systèmes de commandement et de contrôle permet de réorienter les tirs en temps réel. On arrive donc à un summun de la mobilité. Puissance de feu, protection et mobilité : ces trois notions étaient auparavant antag