Elle est au chômage depuis quatre ans. Touche le RMI. Se soigne grâce à la CMU. Vit chez sa mère. Pourtant, Sophie Talneau sort d'une école de commerce, Sup de Co Nantes, et a tous les atouts pour réussir dans le marketing, la voie qu'elle s'est choisie. Alors pourquoi cette mise en lisière, cette relégation dans les limbes ? Sophie Talneau n'est ni une rebelle prônant le droit à la paresse, ni une psychotique farfelue inapte à la démence entrepreneuriale. Elle veut du boulot, en cherche vraiment depuis 2001. Elle postule, candidate, auditionne. Et se démène, même si on la malmène. Mais rien. Pourquoi ? Parce que le génie du capitalisme est de s'assurer que personne ne soit à l'abri, pas même les très diplômés. Et parce que la machine à fabriquer de l'insécurité sociale préfère battre le fer de la jeunesse tant qu'elle est tendre, afin de lui inoculer ce sentiment panique qui, toujours, la laissera pantelante, tremblante, bêlante.
Pour supporter, pour respirer, Sophie Talneau a tenu le journal de sa mise à l'index. C'est drôle et piquant, quotidien et naïf, pertinent et vachard. Au ramdam idéologique, cette Bridget Jones d'ANPE préfère les notations incisives et cruelles. Pour échapper à l'emploi de sainte Blandine déchiquetée par les lions patronaux, elle recense les ridicules des recruteurs qui n'ont pas voulu d'elle. Défilent ainsi, en un casting inversé, le pitbull qui bombarde de questions auxquelles il faudrait répondre façon GI «yes sir, no sir», le bilingue qui commen