Washington, de notre correspondant.
Lors d'une table ronde sur l'Europe organisée dans une salle du Capitole à Washington fin avril par le German Marshall Fund, le juge de la Cour suprême américaine Stephen Breyer commence par montrer un gros livre en français orné de la photo de Valéry Giscard d'Estaing : «ça, c'est la Constitution européenne.» Puis il sort de sa poche une feuille de papier pliée en huit : «ça, c'est la Constitution américaine.» La salle rit. Breyer s'excuse de sa plaisanterie facile : «Les tâches étaient très différentes, explique-t-il. D'un côté, treize colonies nouvellement indépendantes, une même culture anglaise, 4 millions d'habitants, des institutions entièrement nouvelles. De l'autre, des délégués de vingt-huit pays, 450 millions d'habitants, des cultures bien spécifiques, une longue histoire, des institutions déjà existantes qu'on essaye de renforcer...» Il encourage les Européens à aller de l'avant, sur un principe très pragmatique : «Si ces institutions ne marchent pas, vous les changerez.»
Si les médias américains se désintéressent complètement du débat sur la Constitution européenne, elle passionne le Landerneau politico-diplomatique de Washington. De multiples conférences sont organisées dans les divers think tanks. Selon Phil Gordon, de la Brookings institution, les spécialistes de politique étrangère sont «fascinés» par ce qui se passe en Europe et plus particulièrement en France : «On en parle énormément.» Les démocrates sont généralement en