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Interview

Malek Chebel «C'est comme avoir une collection de voitures»

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Eté. Cultures du sexe. Malek Chebel, anthropologue, psychanalyste, spécialiste de l'imaginaire musulman :
publié le 20 juillet 2005 à 3h02

Anthropologue et psychanalyste, spécialiste confirmé de l'imaginaire musulman, Malek Chebel est notamment l'auteur du Dictionnaire amoureux de l'islam, chez Plon.

Qu'est-ce que le harem ?

C'est en Occident que j'ai paradoxalement réalisé toute son importance symbolique. Pour tout ce qui est de l'intime, le regard de l'autre constitue un révélateur obligé. Or le harem appartient à l'intimité même de la vie, de la famille et de l'islam. C'est le secret des secrets. Il cristallise le désir, la passion et le fantasme mais aussi l'angoisse : celle de ne pas en être le possesseur. En effet, dans l'imaginaire musulman, le harem fait l'homme. Il montre sa puissance mais d'abord en tant qu'indicateur de richesse et de statut. La sexualité ne vient qu'ensuite. C'est comme avoir une collection de voitures de luxe et non pas seulement un véhicule fonctionnel. Il n'est donc pas indispensable que le harem soit en exercice ou que ses femmes servent sexuellement le maître. C'est avant tout un élément de la sémiologie sociale.

D'où vient le mot ?

Le harem signifie l'espace privé, le lieu où se trouvent les femmes. Sa racine est la même que «haram», c'est-à-dire «interdit», et peut-être qu'elle dérive du mot qui dans l'arabe ancien signifiait utérus. Le harem est donc par essence le lieu de la conception. Pour parler en psychanalyste, je dirai qu'il s'agit de l'interdit structurant.

Comment fonctionne le harem ?

Il y a dans le harem un ordre symbolique qui ne coïncide pas avec celui du désir. Dans sa hiérarchie interne, la plus importante des femmes est la mère du sult