Le 29 mai 2005, au terme d'un débat «fracassant» et d'une mobilisation exceptionnelle dans des conditions très difficiles pour les opposants au traité constitutionnel européen (TCE), le peuple français s'est prononcé, malgré tout, pour le rejet de ce texte.
Cette décision constitue un événement majeur. Il date l'irruption des opinions publiques dans un processus complexe jusqu'alors réservé aux dirigeants. L'appropriation par les peuples de cette question déterminante pour leur avenir est désormais irréversible : la réflexion sur la finalité, les objectifs et les moyens ne peut et ne pourra plus être escamotée. De ce point de vue, c'est une victoire incontestable du politique, du débat démocratique sur les technostructures acquises ou résignées au néolibéralisme et à son nouvel ordre mondial.
Les arguties des partisans du oui au TCE, dont la frustration brouille parfois leurs appréciations sur ce vote, ne changeront rien à sa signification. C'est à la perspective d'une zone de libre-échange politiquement invertébrée, à l'incertitude de ses frontières indéterminées après un élargissement réalisé dans des conditions irresponsables, que la France a refusé de donner son approbation. C'est son fonctionnement antidémocratique qu'elle a sanctionné. Mais c'est avant tout à la dérive libérale de l'Europe que le peuple français a dit non. A ses choix successifs en faveur d'une société marchande dominée par le principe écrasant d'une «concurrence libre et non faussée» qu'elle s'est oppos