L'occupation de la cave viticole Depeille à Aléria, le 21 août 1975, n'a pas été commémorée hier en Corse. Pas plus par ceux qui l'ont organisée que par les héritiers du mouvement qui a pris naissance voilà donc trente ans exactement. Pourtant, nul ne conteste que cette occupation est bien à l'origine de la création du FLNC (Front de libération nationale de la Corse), et de ses multiples avatars. Donc de ces trente années d'attentats, d'assassinats, de guerre intestines, de rackets et de négociations plus ou moins occultes avec l'Etat français.
En cet été 1975, l'autonomiste Edmond Simeoni, dirigeant de l'ARC (Action pour la renaissance de la Corse), était sévèrement contesté par quelques dizaines de jeunes qui demandaient une radicalisation du mouvement en scandant «Edmond, la canne à pêche ou le fusil !». Avec Aléria, Simeoni voulait donner à ces fortes têtes des gages de sa volonté d'en découdre. Il n'avait pas imaginé le dénouement sanglant de l'opération. «L'Etat répondait avec la troupe, et il y avait deux morts chez les forces de l'ordre, c'était un point de non-retour», se souvient l'indépendantiste Antoine Marchetti. Le FLNC naîtra neuf mois plus tard, lors de la nuit bleue du 5 mai 1976 : une vingtaine d'attentats sur l'île et le continent. Au fil des ans, les arrestations, les scissions, ont amené de nouvelles générations de militants moins regardants sur la morale. «Au départ, dans un mouvement clandestin, ce sont les politiques qui dirigent. Puis c'est à la force