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Henri Alleg, 84 ans. L'auteur de «la Question», première dénonciation de la torture en Algérie, n'a pas abjuré son communisme à l'ancienne.
publié le 6 septembre 2005 à 3h34

On s'attend à rencontrer un héros de la décolonisation statufié dans sa légende, un martyr encombré de sa gloire passée, un vieil activiste confit en nostalgie sépia. Rien du tout. Henri Alleg, 84 ans, garde l'esprit vif, la pensée rigide, et le discours-fleuve. Sans oublier le sens de l'autodérision quand il rapporte cette taquinerie de sa femme Gilberte, compagne de vie et de combat, lançant : «Henri ne s'ennuie jamais, surtout quand c'est lui qui parle.»

Mais Alleg, c'est qui déjà ? Alleg, c'est ce responsable communiste, raflé par les paras, torturé par l'armée française dans l'Algérie d'avant l'indépendance. Alleg, c'est l'auteur de la Question, récit de ses passages à tabac, des séances de «gégène», des immersions dans la baignoire. Ce livre a précipité la prise de conscience d'une société métropolitaine qui était loin de se douter qu'on agissait ainsi en son nom. L'historien Jean-Pierre Rioux résume ainsi l'impact de ce petit livre : «Le récit d'Alleg a été perçu comme emblématique par sa brièveté même, son style nu, sa sécheresse de procès-verbal qui dénonçait nommément des tortionnaires sous des initiales qui ne trompaient personne. Sa tension interne de cri maîtrisé a rendu celui-ci d'autant plus insupportable : l'horreur était dite sur le ton des classiques.» C'était il y a bientôt cinquante ans.

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