Menu
Libération
Interview

Il n'y aurait pas Al-Qaeda sans Internet et sans Al-Jezira

Article réservé aux abonnés
Visions croisées sur la mouvance terroriste islamiste. Pour Gilles Kepel, le mouvement de Ben Laden, après l'échec de la mobilisation des masses, vise à l'hégémonie sur l'interprétation du sens de l'islam. Pour François Burgat, Al-Qaeda est une réponse plus politique que religieuse à la violence des dictatures arabes et des impérialismes.
publié le 24 septembre 2005 à 3h50

Al-Qaeda apparaît comme un phénomène insaisissable, sans matérialité. Rares sont ceux qui ont pu rencontrer son chef Oussama ben Laden. Comment travailler sur un tel mouvement ?

Gilles Kepel. Le problème de la matérialité d'Al-Qaeda est une vraie question, car il ne s'agit pas d'une organisation de type léniniste classique, ni même d'un regroupement de militants. Nous en avons plusieurs perceptions : les textes qui circulent sur les sites spécialisés de l'Internet, les attentats et les opérations-suicides ainsi que les exécutions pensées et mises en scène en fonction de leur impact télévisé. C'est à partir de cet impact que les idéologues d'Al-Qaeda espèrent surmonter l'échec des mouvements islamistes des années 90 à mobiliser les masses en Egypte, en Algérie ou ailleurs. Le système fonctionne par ces attentats spectaculaires censés semer la terreur dans les rangs de l'«ennemi» et mobiliser les masses musulmanes. Mais derrière la télévision, il y a aussi une idéologie qui s'inscrit dans une filiation, qui se distingue ou non d'autres acteurs de la mouvance islamiste radicale. C'est cette idéologie qu'il faut comprendre.

François Burgat. Il n'est pas si difficile d'accéder à un minimum d'informations sur l'organisation Al-Qaeda. Tous les textes de Ben Laden sont accessibles sur l'Internet, y compris en traduction anglaise. Il y a certes des zones d'ombre, des possibilités de manipulation. Mais on peut alors se raccrocher à une analyse plus stru