Jeune, Alain Finkielkraut a été «gauchiste bien sûr, comme tout le monde». Disons comme tout le monde dans un petit monde. «J'étais pris dedans, un vrai mutin de Panurge», raille-t-il aujourd'hui. Le militant n'a pas laissé un souvenir impérissable. Il faisait pourtant partie de l'un des groupuscules les plus dogmatiques de l'extrême gauche : les maos, tendance Yann Moulier-Boutang, l'équivalent français de l'autonome italien Toni Negri. «Il y avait une forme de dandysme là-dedans. J'ai fait l'expérience de l'attrait de la radicalité, le bonheur d'occuper la place inexpugnable de l'accusateur», dit-il. En 1976, Alain Finkielkraut est parti enseigner à Berkeley et du gauchisme, il s'est absenté sans au revoir ni dispute. Une séparation à l'amiable scellée par deux jolis livres, légers et hédonistes, qui tournent la page de Mai 68 sans jeter le bébé avec l'eau du bain : le Nouveau Désordre amoureux (1977) et Au coin de la rue l'aventure (1982), coécrits avec Pascal Bruckner.
Trente ans plus tard, on le retrouve à la une de l'Obs en inquiétant «chef de file des néoréacs» et en atrabilaire «philosophe de l'UMP». Une interview au quotidien israélien Haaretz (lire encadré), dans laquelle Finkielkraut livre sa vision de la crise des banlieues et du malaise français, a scellé la rupture. Sarkozy se paye le luxe de saluer en lui «l'honneur de la pensée française» tout en réfutant sur Al-Jezira ses théories sur les «émeutes ethnico-religieuses». Et tout Saint-Germain-des-Prés de s'inte