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Libération

Une terre gorgée de poison

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Interdit depuis 1993, le chlordécone fait toujours des ravages. Cet insecticide ultratoxique a contaminé les sols et les rivières de l'île, plongeant les agriculteurs dans la détresse économique.
publié le 6 janvier 2006 à 20h00

Nicole (1) est endettée. Elle ne peut ni faire face aux factures, ni se reconvertir. Elle risque l'expulsion de son logement et s'inquiète pour l'avenir de son fils de 5 ans. Nicole, 37 ans, jeune agricultrice guadeloupéenne, est l'une des victimes de la contamination de l'île par le chlordécone. Aujourd'hui interdit, cet insecticide ultratoxique, utilisé contre le charançon du bananier, cancérogène probable et perturbateur endocrinien, a pourri pour des siècles les eaux et les terres antillaises.

En 1999, Nicole fait un emprunt pour acheter un terrain à Goyave, en Basse Terre. Sept hectares de semi-mangrove sur lesquels, en 2003, elle plante des madères. En 2004, elle fait analyser ses sols, comme le préconisent deux arrêtés préfectoraux à tout agriculteur désireux de produire des légumes racines ou des plantes à tubercules (2). Le couperet tombe : «Mes parcelles étaient contaminées. Mon terrain n'a jamais servi à la culture de bananes, mais il est situé en aval d'une bananeraie. Ce sont les eaux de ruissellement qui ont transporté le chlordécone.» Il lui est désormais interdit de vendre ses légumes. «J'ai dû laisser mes tonnes de madères en plan.» Depuis, le terrain est en friche et Nicole en galère. Pour ne pas craquer, la jeune agricultrice multiplie les courriers aux administrations, au préfet, à Jacques Chirac, à l'Union européenne...

La pollution des rivières guadeloupéennes a été décelée en 1999 par la direction départementale de la santé, mais c'est en 2002 seulement