Dans son éditorial de la revue les Temps modernes (édition novembre-décembre 2005/janvier 2006) qui sort cette semaine, le directeur Claude Lanzmann prend position dans le débat en cours sur la «concurrence des mémoires» suscité par l'amendement législatif concernant les aspects «positifs» de la colonisation mais aussi par la création d'un Conseil représentatif des associations noires (Cran). Il prend ses distances, dans un large extrait de ce texte que nous publions, avec la pétition «Liberté pour l'histoire», qui à son sens fait l'erreur d'amalgamer des événements historiques de nature différente au point de conduire à la remise en cause de la loi Gayssot, qui est pourtant «une garantie et une protection pour toutes les victimes». Selon l'auteur, réalisateur du film Shoah, l'évocation rétrospective de Frantz Fanon, au travers de plusieurs articles de ce numéro de la revue, doit permettre de comprendre en quoi l'universalité de la souffrance des victimes ne signifie pas que tous les événements soient équivalents au trébuchet de l'histoire. Dans ce même numéro, le dernier livre d'Alain Badiou qui réfute le «nom» de Juif fait l'objet de critiques de la part de Jean-Claude Milner et Eric Marty.
Que la Shoah ait été historicisée par les Juifs au point où elle l'a été, qu'elle continue de l'être, cela tient à mille causes, mais d'abord à ceci qu'elle a été l'événement du XXe siècle, le plus central peut-être, l'événement de notre présent, un événement qui n'a pas trouvé sa fin. C