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Libération
TRIBUNE

Outreau, faille d'un système

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Il faut révolutionner la logique de notre justice en restituant au juge sa véritable fonction.
publié le 24 janvier 2006 à 20h08

C'était il y a cinq ans. L'opinion jusque-là encline à pester contre les prisons quatre étoiles avait été bouleversée par le livre du docteur Véronique Vasseur révélant l'effroyable réalité de la prison. Nous assistions à un de ces mouvements passionnés qui périodiquement envahissent le champ médiatique avant de disparaître aussi vite qu'ils sont venus. Les rapports des deux Commissions d'enquête parlementaires frémissaient de colère. Depuis, le nombre des détenus a crû de plus de 10 % et de 15 % pour les présumés innocents comme l'étaient les malheureux acquittés d'Outreau, et récemment on n'a pu éviter de fermer, dans l'indifférence générale, deux blocs de la Santé, en plein coeur de Paris, parce que les conditions dans lesquelles vivaient surveillants et détenus, au milieu des rats et des cafards, étaient devenues barbares. Ainsi vont les soufflés médiatiques.

L'affaire d'Outreau est une tragédie pour ceux qui furent si injustement traités et dont rien ne pourra jamais panser totalement les plaies. Pour l'opinion, ils ont maintenant accédé au statut emblématique de victimes avec lesquelles chacun s'identifie, comme hier avec les enfants maltraités. Alors, dans un mouvement collectif qui est le grand rite de notre temps, avant tout jugement, on désigne les coupables et même on découvre une figure symbolique du méchant qu'il faut punir pour que la blessure sociale si profondément ressentie s'estompe. C'est là le mécanisme, vieux comme la civilisation, du bouc émissaire. Cert