Pour la plupart des gens, la langue française appartient aux autochtones de ce beau pays de France. Ce n'est pas mon point de vue. Si le français a germé en France, il y a fort longtemps qu'il fut rempoté ailleurs, loin d'ici, où il pousse allègrement et de manière tout à fait inattendue. Dans ces territoires lointains, il a parfois un rythme, une couleur et une saveur particuliers. Puisqu'on ne pouvait plus faire autrement que le parler, il fallait pouvoir se l'approprier, y transvaser son esprit et sa culture, afin de pouvoir s'y reconnaître. C'est dans un de ces pays, le Cameroun, que j'ai vu le jour, dans les années soixante-dix. La colonisation était passée, et ce n'est pas sous la férule des civilisateurs que cette langue me fut inculquée. C'est celle que mes parents m'ont transmise petite fille, celle de nos échanges familiaux passés et présents. C'est donc une de mes langues, tout simplement, les autres étant le douala et l'anglais. Je ne l'ai jamais vraiment rattachée à la seule France, ni senti qu'elle m'était imposée.
D'ailleurs, les instituteurs puis les professeurs qui m'en ont enseigné la complexité n'avaient jamais quitté l'Afrique. Tous avaient étudié au Cameroun, et depuis que je vis en France il me semble qu'ils la parlaient bien mieux que ceux qui s'imaginent encore en être les seuls et uniques ayants droit. Si le français ne fut jamais pour moi la langue de la France métropolitaine, c'est parce que les programmes scolaires de mon pays l'utilisaient pour pr