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Libération
Interview

«Le Front populaire a été un feu d'artifice social»

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publié le 3 mai 2006 à 21h06

Michel Winock est historien et professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Paris. Il publie, avec Séverine Nikel, La Gauche au pouvoir. L'héritage du Front populaire, aux éditions Bayard. Et revient sur la victoire du Front populaire le 3 mai 1936, il y a tout juste soixante-dix ans.

Avec Mai 68, le Front populaire reste l'un des deux grands mythes de la gauche, notamment à travers les photos des premiers congés payés. Le mythe correspond-il à la réalité ?

Le mythe (positif) du Front populaire correspond à une réalité. Mais, à mon sens, ce mythe se réfère plus encore au mouvement ouvrier qu'à la gauche proprement dite. Certes, il y a bien eu la victoire électorale du 3 mai, mais l'unité de la gauche se brisera un peu plus d'un an plus tard. En revanche, les grèves sans précédent, les occupations d'usine, l'accord Matignon, les lois sociales qui suivent les 40 heures, les congés payés, les conventions collectives ont marqué un changement notable dans la condition ouvrière. Simone Weil, philosophe qui s'était fait embaucher chez Renault, a laissé un texte extraordinaire sur la joie des grévistes. Pour elle, plus que toute revendication, ce qui était en jeu, c'était la conquête d'une dignité prolétarienne face au patronat «de droit divin» : «Tu te rappelles les chefs, comment ceux qui avaient un caractère brutal pouvaient se permettre toutes les insolences ? Tu te rappelles qu'on n'osait presque jamais répondre, qu'on en arrivait à trouver presque naturel d'être traité