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Libération
Interview

«Protégeons avec discernement»

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Environnement. Jean-Pierre Digard, ethnologue au CNRS:
publié le 6 mai 2006 à 21h09

Jean-Pierre Digard, directeur de recherches au CNRS, est ethnologue. Après avoir travaillé sur les sociétés d'éleveurs nomades, il a étudié les relations à l'animal dans les sociétés développées et publié des essais sur cette question, notamment Les Français et leurs animaux (Hachette).

Des personnalités politiques de tous bords, Jacques Chirac en tête, défendent la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Pourquoi un tel élan ?

Il est dans l'air du temps, surtout celui des villes. Aujourd'hui, le citoyen urbain est mu par un sentiment «animalitaire», décalque de l'humanitaire, nourri de culpabilité. Il est omnivore, il mange de la viande. Pour assumer en toute conscience l'abattage de millions d'animaux domestiques ­ vaches, cochons, volailles ­, les citadins modernes ont besoin de porter au pinacle d'autres animaux, dans deux catégories opposées: l'animal familier ­ chien, chat ­, plus choyé que jamais, et, à l'autre extrême, l'animal sauvage. Celui-ci est le parangon de la nature, un animal que l'on croit vierge de l'action humaine, réputée mauvaise. Cette représentation de la nature est majoritaire et donc «politiquement correcte». Les politiques n'y sont pas insensibles, soit parce qu'ils la partagent, soit par opportunisme électoral.

A l'inverse, du côté des éleveurs, n'y a-t-il pas une surenchère dans l'opposition ?

Pour eux, la menace n'est pas seulement affaire de symbole. Ils vivent une crise de l'élevage extensif dans laquelle l'ours représente une nouvelle source de dégâts potentielle. D'autant que leurs troupeaux sont plus vulnérables à la prédation que ceux d'Italie, d'Espagne ou des Balkans. En France, les éleveurs n'accompagnent pas leur cheptel, ils les laissent sous le contrôle des ch