Comment vous définissez-vous ?
Cela me gêne beaucoup, parce que, s'il y a une dimension sociologique dans ce que j'ai écrit, il y a aussi d'autres dimensions, historiques, psychologiques, et même, je crois, une part de réflexion qu'on peut appeler philosophique. Ceux qui me veulent beaucoup de bien me qualifient de «penseur», moi je dis souvent que je suis un «touche-à-tout». Certes, je sais que l'expression est assez dévalorisante, sauf à propos de Voltaire, dont on disait qu'il était un «touche-à-tout de génie». J'aimerais être génial, mais je ne saurais le prétendre (rires). En fait, ce sont toujours les autres qui me définissent. Mais celui qui me définit comme sociologue me rétrécit, celui qui me définit comme philosophe, c'est un peu mieux, même si je pense que la philosophie actuelle est souvent très fermée sur elle-même alors qu'une de mes missions est de faire communiquer les sciences et la pensée philosophique. Donc, pour me définir, je dis que je suis directeur de recherches émérite au CNRS. Ainsi, cela ne donne pas de qualification dite socioprofessionnelle, notion que j'abhorre. Et j'aimerais ajouter écrivain, car je pense que, dans ce que j'écris, il y a une dimension littéraire qui, en général, ne m'est pas reconnue, mais qui se manifeste en moi par mon plaisir à faire jouer les mots.
Quelle notion ou théorie scientifique a, pour vous, actionné un déclic ?
Cela ne s'est pas tout à fait passé comme cela. J'ai toujours été intéressé par les revues scientifiques, et je m'en suis nourri. Quand j'ai écrit l'Homme et la Mort à la fin des années 40, mê