Le 10 janvier 1997, Moussa Sissoko, ex-gréviste de la faim de Saint-Bernard, est porté dans un avion pour Bamako, pieds liés, mains menottées, bouche bâillonnée avec du scotch. «Dans l'avion, je ne pensais qu'à revenir pour avoir mes papiers, j'ai perdu 16 kg pour eux, j'ai tout fait pour eux, les manifs, les rassemblements, la lutte... il me les fallait», dit, aujourd'hui, Moussa Sissoko, toujours sans papiers. Au Mali, l'expulsé n'ose même pas retourner dans son village. Il y serait celui qui a raté. Il reste auprès du Conseil des Maliens de France à Bamako, reçoit la visite de beaucoup de journalistes, curieux de son sort. Des soutiens français font exprès le voyage et lui rapportent sa malle, car Moussa a été réexpédié au pays avec 30 francs en poche, et pas même un pantalon de rechange.
En juillet 1997, des copains le préviennent. Il a enfin rendez-vous à la préfecture de police pour «examen de situation». Ecrite à la main par le fonctionnaire de la préfecture, la convocation porte cette adresse très officielle et très comique : «Les sans-papiers de Saint-Bernard, 32 rue du Faubourg-Poissonnière. Paris». Le «32», comme on disait, c'est cet immeuble qu'occupaient les sans-papiers après l'évacuation de l'église, et, après s'être requinqués, une fois de plus, au Théâtre du Soleil, reçus par Ariane Mnouchkine. Moussa, en tout cas, n'a pas pu honorer ce rendez-vous : le consulat de France à Bamako ne lui a jamais délivré de visa. Dommage, l