Aux réunions des collectifs de sans-papiers, Hamady commence toujours par cette phrase : «Je me présente, Hamady Camara, ancien porte-parole des grévistes de la faim de Saint-Bernard.» Il y a dix ans, il avait 34 ans, pesait 85 kg le 5 juillet 1996 et 73 le 9 août. Dans le coin de l'église réservé aux grévistes de la faim, il y avait Hamady le sérieux : «On veut notre régularisation pour vivre [...]. Toute la journée, je pense à la bonne solution, aux papiers, à un autre avenir». Il y avait aussi Hamady le marrant, toujours le sourire et de bonnes blagues à raconter aux copains.
Dix ans plus tard, il reçoit dans la petite chambre qu'il partage avec deux autres Mauritaniens, dans un foyer parisien. Avec le même rire, la même gaieté : «Vous allez me photographier comme ça ? Avec mon costume africain ?» Le foyer, il y vit depuis neuf ans, depuis qu'il a ses papiers. Une carte d'un an pendant cinq ans, la carte de dix ans depuis 2003. Avant, quand il était sans-papiers, Hamady Camara travaillait dans la restauration, «la plonge, en gros». Maintenant qu'il les a, il fait pareil, «la plonge», pour 1 000 euros par mois, «comme tous les ouvriers, je crois».
La lutte, il ne l'a jamais abandonnée. Il a du mal à y entraîner ses anciens camarades. «Soit ils se sont trop bien intégrés, soit, maintenant qu'ils ont des papiers, ils s'en moquent. Il y a un peu d'égoïsme là-dedans.» On le croise de manifs en rassemblements, avec ou