Au début, sa femme était d'accord pour qu'il «parte à l'aventure». Lui s'imaginait plutôt ouvrir un commerce au Mali. «Mais toute la famille me regardait.» Un oncle lui a prêté 25 000 francs (3 800 euros) pour payer des passeurs... qui sont partis avec l'argent. Un autre a à nouveau rassemblé la somme nécessaire. Boubacar Tirera a quitté le Mali, est passé par l'Algérie, puis Francfort. Il y a été arrêté, puis renvoyé au pays. A la troisième tentative, il est enfin parvenu à entrer en France. C'était il y a plus de douze ans. «Au début, j'étais dégoûté : mes enfants me téléphonaient : "Papa, viens."» Sans papiers, sans visa, il reste en France, «sans pouvoir retourner».
Quand le 18 mars 1996, il entend que des Africains occupent l'église Saint-Ambroise à Paris, il fonce. «Au foyer, on m'a dit : "Tu n'es pas là depuis assez longtemps. Ceux de l'église, cela fait dix ans qu'ils sont en France sans papiers."» Il répond : «Chacun sa chance.» D'autres Africains lui disent : «C'est pas grave les papiers, tant que tu as du boulot...» Mais Boubacar Tirera est obstiné. Deux fois, il échappe à des évacuations (à Saint-Ambroise, au gymnase Japy), à chaque fois il revient occuper de nouveaux lieux.
A Saint-Bernard, il fait partie des grévistes de la faim : «Le ministre avait dit on étudiera les dossiers au "cas par cas". J'ai étudié le mien. Je savais que je n'étais pas là depuis assez longtemps. C'est po