Les yeux pétillants, il lance «j'ai fait radio» comme d'autres se vantent d'avoir fait l'ENA. Pierre Bouteiller polo orange, pantalon marron et mocassins assortis entretient son humour décapant sur la fréquence 89.9. Il y fait profiter les auditeurs de son immense culture musicale. A 71 ans dont trente-cinq de «service public», l'ancien patron de France Inter puis de France Musique présente depuis le début de la semaine l'émission Si bémol et fadaises (1) sur TSF, la radio parisienne du jazz.
Dans les studios, au fond d'une cour pavée et arborée, à un jet de pierre de la place de la Bastille, Bouteiller se cale face à son ingénieur du son. Au programme du jour, «les agents doubles»,une des thématiques qu'il a proposées à Jean-François Bizot, directeur de la station. «Ces schizos de la musique sont aussi à l'aise en classique qu'en jazz», explique Bouteiller pour présenter les musiciens qui flirtent entre le cérémonial, la beauté du classique et l'encanaillement du jazz. «Parce que, après tout, faire du jazz pour un musicien classique, c'est comme aller au bordel pour un bourgeois du début du siècle», rigole au micro ce dandy des ondes, qui claque des doigts sur un swing de Gershwin, pianote sur son pupitre à l'écoute d'un concerto de Mozart («un véritable agent double»), chantonne les premières phrases d'une symphonie, et veille à récupérer en temps réel les boîtes de ses CD. D'un geste précis et répété un million de f