Rédacteur en chef de la revue le Débat, le philosophe Marcel Gauchet revient sur l'investiture de Ségolène Royal comme candidate du Parti socialiste à la présidentielle, qui acte, selon lui, «la décomposition du mitterrandisme».
Quel bilan tirez-vous de la désignation de Ségolène Royal ?
La première chose est que la procédure démocratique a su réguler le choc des personnalités, par rapport à une phase initiale de déchaînement anarchique des ambitions. Cela a été porté au crédit du Parti socialiste, au point que la droite se sent maintenant un peu morveuse avec son vieux système plébiscitaire gaulliste. Le second point est que Ségolène Royal s'est révélée à l'épreuve des balles. Tout ce qui avait pu apparaître aux yeux des initiés comme des signes d'amateurisme n'affecte pas son image dans le grand public, à commencer par les militants socialistes.
Parce qu'elle incarne une figure de renouvellement ?
Plus exactement, je dirais qu'elle incarne la décomposition du mitterrandisme. On s'attendait à ce que la sortie du mitterrandisme se fasse par la doctrine. Or, une telle rénovation intellectuelle était en fait assez improbable. Le «droit d'inventaire» de Jospin a vite tourné court. Comme tout parti, le PS a eu peur d'ouvrir la boîte de Pandore des révisions idéologiques, dont on ne sait jamais jusqu'où elles peuvent conduire, et a préféré s'en tenir à une doctrine qui a montré sa capacité à gagner des élections. Il est toujours très difficile de s'arracher à une recett