Politique, lobbyiste, ecclésiastique et un peu tout cela à la fois, Henri Grouès, devenu l'abbé Pierre, s'est éteint hier matin à 94 ans à l'hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Plus d'un demi-siècle de mobilisation en faveur des sans-abri et de harcèlement des politiques pour améliorer le sort des déshérités en ont fait un homme à la popularité inoxydable. Et aux multiples facettes. Parfois contradictoires.
Le caritatif
«Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures sur le trottoir du boulevard Sébastopol.» Le début del'engagement de l'abbé Pierre en faveur des démunis est souvent daté de son appel du 1er février 1954 sur les ondes de RTL. Mais, bien avant ce coup de sang médiatique, il avait commencé à agir dans l'anonymat en organisant un peu partout des campements de mal-logés : à Neuilly-sur-Marne (1951), à Pontault-Combault (1952), à Pomponne (1953). Il s'agit souvent de bicoques construites avec des matériaux de récupération, ou d'une concentration de tentes et de roulottes. L'histoire commune de l'abbé Pierre avec les mal-logés commence par la location d'une grande maison à Neuilly-Plaisance, en 1947. L'ecclésiastique en fait sa résidence principale et un lieu de rencontres et de séminaires pour la jeunesse. Mais son chemin va croiser celui de Georges Legeais, un ancien bagnard qui a tenté de suicider. Il lui dit : «Je n'ai rien à te donner, mais, puisque tu n'as rien à perdre, donne-moi ton aide pour aider les autres.» Ainsi naît la p