«Et toi, tu vas voter pour qui ?» «Je ne sais pas, mais je vais voter non.» Le premier a ricané. Ensuite, ils se sont tus. Ils n'ont aucune question à poser. Sans doute n'ont-ils plus rien à dire. Ils fument en silence autour des petits noirs. Ils sont blancs, ou plutôt gris, assez vieux quoique sans âge les traits épais fondus dans le flou de vies qu'on devine inconfortables. Le comptoir est plein de Turcs, de Pakistanais et de Chinois. C'est le matin, il fait encore frais, une étrange douceur s'annonce, la salle sent l'expresso et le tissu enfumé. Les cafés encore populaires du centre de Paris sont pleins de têtes au travail. Gueules cassées, gueules fondues, gueules refaites : un monde de destinées à tiroirs où les discours identitaires se coincent les doigts, à commencer par l'index. D'où qu'elles viennent, ces têtes sont aussi françaises : on a passé leurs tropiques au chaudron de Lutèce. «Je ne sais pas, mais je vais voter non.» A la terrasse, une femme obèse s'éveille à la bière. Ses lunettes reposent sur deux coussins à air couperosés. Elle observe avec une méchanceté vague d'élégants jeunes bourgeois au plumage décontracté, souriants et non rasés. Ils distribuent le Pacte présidentiel de Ségolène Royal. Ils sont courtois. «Les promesses doivent être tenues, écrit la candidate socialiste, elles doivent être crédibles.» Doivent-elles être crédibles pour être tenues ? Devront-elles être tenues pour rappeler qu'elles étaient crédibles ? Cré
«... Mais je vais voter non»
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par Philippe Lançon
publié le 21 février 2007 à 6h13
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