C'était dans une cuisine drômoise, tout en voûtes blanches et en plaques halogènes. Un couple autour de la cinquantaine, lui prof de fac, elle correctrice, à gauche depuis toujours. A la Toussaint 2001, sur un ton exaspéré qui annonçait la grande fâcherie de la gauche et de ses électeurs, ils avaient assené au journaliste et ami de passage : «Pas question de voter Jospin !» On leur aurait donné le PS sans confession et ils avaient été les premiers à vendre la mèche du 21 avril. Autant dire que, l'autre jour, il fut difficile de résister à la tentation du sondage express, sur l'air du : «Alors, vous votez pour qui cette fois?»
La raison de leur colère à l'époque : la position de Lionel Jospin sur le conflit israélo-palestinien. Ce fut aussi cela, 2002 : une addition de frustrations sectorielles. Cinq ans plus tard, ils ne regrettent rien : «Jospin n'était pas fait pour être Président.» Ils ont vécu à Paris, à l'étranger, ils aiment le jazz et les livres, ils sont à l'aise financièrement sans être riches, ils participent à la vie associative de leur bourg. Des bobos-TGV, quoi (ça, ils ne vont pas aimer). Un temps intéressés par Chevènement, ils ont dû voter Taubira ou Mamère... Bref, à en croire l'air du temps, de la chair à Bayrou, puisqu'il paraît que les bourgeois bohèmes taquinent l'idée d'un vote centriste.
Ah, le bobo, avec son vélo, son boulot, sa chanson de Renaud et son besoin de faire le malin ! Question : dans un scrutin national, le vote bobo com