Pour une bonne partie des hommes politiques, notamment en France, l'Europe est aujourd'hui, selon vos propres mots, «une demi-maîtresse qu'on aime sans inquiétude et qu'on quitte sans chagrin». Comment en est-on arrivé là ?
L'Europe est souvent présentée comme un projet qui a perdu sa raison d'être, qui a achevé les buts pour lesquels elle a été créée : avant tout, garantir la paix entre ses membres, notamment entre la France et l'Allemagne. Or ce qui m'a frappé en replongeant dans les écrits des pères fondateurs du projet européen dans l'après-guerre, c'est leur grande ouverture internationale. Contrairement aux idées reçues, la paix entre les pays du Vieux Continent n'était à leurs yeux qu'un préalable. Leur motivation ultime était la défense de la civilisation européenne, la préservation du rang de l'Europe dans le monde, l'affirmation de ses valeurs face à l'Union soviétique et le rattrapage de son retard économique vis-à-vis des Etats-Unis. Mais, ces dernières années, les gouvernants européens n'ont pas su vendre ce message qui, pourtant, conserve plus que jamais sa pertinence dans la globalisation. L'enlisement s'est accentué notamment après la chute du mur de Berlin. Les gouvernements européens ont été timorés. Sur de nombreux sujets, ils ont signé des traités nominalistes, au contenu incertain, appelant par exemple PESC («politique étrangère et de sécurité commune») une diplomatie qui n'était pas commune. A force de répéter que nous construisons l'Europe sans la faire, nous avons créé à la fois des peurs inutiles et des déceptions redoutables. L'Union européenne telle qu'elle se construit actuellement n'est pas l'Europe ! C'est au mieux une étape intermédiaire, un entre-deux. Au pire, u