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Libération

Bayrou, l' iPod du champ politique français

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Le candidat centriste, figure de l'apolitisme en sphère marchande.
par Christophe Gallaz
publié le 27 mars 2007 à 7h00

La popularité de François Bayrou, candidat néocentriste à l'élection

présidentielle, ne désigne pas seulement le fantasme de l'apolitisme

qui règne de nos jours au sein de la nation française (comme dans

toute autre population d'Occident «fatiguée d'être»). Il indique

encore à quel point ce fantasme révèle aussi le consommateur moderne —

travaillé par un mélange intime de désirs et d'angoisse.

François Bayrou vend au public une hypothèse. Il lui fait croire que

les langages politiques constitués sont dépassables, et que lui-même

les a dépassés. Il rénove à son compte la trouvaille des premiers

Verts ayant fait de l'environnement naturel, voici quinze ou vingt

ans, un ailleurs idéal en fonction duquel toutes les dialectiques, et

tous les conflits d'intérêts matériels, se simplifieraient

miraculeusement pour être plus faciles à gérer.

Donnez-moi l'Elysée, dit Bayrou, et je réaliserai pour vous toutes les

synthèses utiles du moment. Délassez-vous. Je vous offre de n'être

plus la citoyenne ou le citoyen lancés dans cette tâche infinie qui

consiste à se situer dans la conjoncture. Ne soyez plus déchirés entre

les valeurs du socialisme et celles du conservatisme, entre votre foi

dans le progrès et votre méfiance à son endroit, entre les promesses

de la ville et les réconforts de la campagne, entre la tiédeur des

habitudes et les incertitudes de l'avenir. Je suis là pour tout

trancher à votre place.

Ce discours fonctionne infailliblement, bien sûr: qui ne voudrait

profiter de vacances civiques offertes o