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«L'exhibition des périls»

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par Fethi BENSLAMA
publié le 6 avril 2007 à 7h04

De toutes les campagnes électorales que j'ai vécues en France, l'actuelle me semble particulièrement marquée par la tristesse politique. Il ne s'agit pas d'affects, mais de perte de confiance et d'impuissance à ouvrir des horizons. C'est le temps d'une morne désillusion conduisant, non pas à l'hésitation alléguée par les sondeurs, mais à l'indifférence devant des options qui paraissent s'équivaloir. D'où l'inespoir, le refus cynique de prendre parti, ou le choix d'alternatives improbables. Seule la menace semble émouvoir et mouvoir. Ce fut déjà le cas lors des précédentes élections. Nous sommes 82 % à avoir élu notre président sous son empire. Aujourd'hui, les craintes se sont étendues à d'autres sphères : à l'économie et à la sécurité s'est ajoutée l'écologie, tandis que la menace identitaire est désormais accréditée par un large spectre du discours. Bref, on nous propose de sortir de la dépression en devenant persécuté ou «victimisé».

C'est le candidat de l'UMP qui a excellé dans cet art, en construisant toute une stratégie d'exhibition des périls et de leur maîtrise, à travers des impulsions répétées de paroles outrageantes. Sarkozy, fulminant, dressant des catégories de la population les unes contre les autres, occupe la scène depuis des mois. L'antagonisme entre migrants et nationaux qu'il propose de faire mijoter dans un ministère est la dernière trouvaille. Nettoyer à jets de vapeur les banlieues de leurs salissures humaines fut l'une de ses fulgurantes intimidations.