Didier Eribon, philosophe, vient de publier D'une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (Léo Scheer), où il analyse le glissement à droite de la société sur les décombres d'une gauche qui n'aura su concilier la critique radicale et la réforme effective.
Le débat autour de l'identité nationale traduit-il un glissement à droite de la société française ?
C'est le produit d'un travail idéologique mis en oeuvre par des intellectuels néoconservateurs depuis vingt ans, qui ont cherché à remplacer la perception de la société en termes de clivages sociaux et d'inégalités sociales par un discours sur la nation et l'unité nationale. Ils ont proposé à la gauche une vieille pensée de droite en la présentant comme une rénovation de la pensée de gauche. Il y aurait donc d'un côté la nation et de l'autre les «individus», qui doivent se fondre dans un «vivre ensemble» national. Ce qui a conduit la gauche gouvernementale à considérer toutes les mobilisations politiques comme le symptôme d'un délitement du «lien social» et «national» au lieu d'y voir le point d'ancrage d'une transformation possible de la société.
Sarkozy incarne-t-il en France la révolution conservatrice américaine ?
Dans une large mesure, oui. Et souvent dans ses versions les plus caricaturales. Mais le problème est que le PS a été façonné par les mêmes thématiques idéologiques. L'obsession d'en finir avec l'héritage de Mai 68 et des années 70 est partagée a