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Libération

Néron est indécis

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publié le 11 avril 2007 à 7h09

Le lundi de Pâques, à Paris, certains restaurants sont vides, même quand ils sont chinois. Dans celui-ci, les serveuses se regroupent à l'étage autour du buffet, formant une plate-bande de petites fleurs noires. Elles n'attendent rien. Comment dit-on campagne politique, en chinois ? Hi, hi. L'une traduit à l'autre, qui rit à son tour, qui traduit à la suivante, etc. Le rire, honorable et discret, passe de bouche en bouche autour des salades et des bouchées vapeur.

«Je vais te raconter une blague d'actualité...» A une table, un quadragénaire parle à un autre, assez fort. Ils flottent avec plaisir dans le temps mort du jour férié. «C'est Néron qui s'emmerde : "Qu'est-ce que j'peux faire ? J'sais pas quoi faire." Soudain, bingo : "Et si je raflais les chrétiens pour les jeter aux lions ? En voilà une idée qu'elle est bonne !"» Rafle, ce joli mot menaçant et sonore, a été prononcé la veille au soir, dans Ripostes, l'émission de Serge Moati sur France 5, par Vincent Cespedes, professeur et jeune auteur à vertu. De fins yeux de violette, une barbe de quelques jours, cette jolie bouche pincée, mannequin malgré lui minaudant l'indignation. «Quand les policiers raflent les gens...» Il parle de la gare du Nord, de l'école de la rue Rampal, valse des sans-tickets et des sans-papiers. Plus il mélange, plus il sourit. Rafle : ce joli mot menaçant et sonore a jailli naturellement, sans passé ni lendemain, primevère de la conscience. La morale l'accompagne et l'a