Menu
Libération
Reportage

Restés à quai

Article réservé aux abonnés
Echoués dans les halls et les couloirs, ils sont jeunes et ont perdu repères et confiance en l'autre. Les éducateurs de rue de l'association Arc 75 vont à leur rencontre.
publié le 24 avril 2007 à 7h24

C'est un dédale de rails, de quais, de tunnels, de halls, de couloirs, d'escalators, de kiosques et de boutiques. Une fourmilière fréquentée chaque jour par quelque 600 000 voyageurs. La gare du Nord, championne d'Europe dans sa catégorie, brasse du Parisien (quatre métros), du banlieusard (trois RER et une flopée de Transilien) et du voyageur national ou international (des TGV desservent Londres, Bruxelles, Amsterdam ou Cologne). Les éducateurs de rue de l'association Arc 75 (1) arpentent l'endroit 35 heures par semaine. Ils y travaillent en tandem, de préférence mixte. Leur mission : nouer un contact, une relation, avec les jeunes qui errent en ces lieux, en rupture de tout.

Après dix ans de métier dans cet improbable bureau, Ronan dit que, quand il débarque dans n'importe quelle gare, en France ou ailleurs, il sait distinguer dans le flot ceux qui ne font que transiter et les autres ­ ceux qui y stagnent l'essentiel de leurs journées. Les vrais voyageurs se dissolvent dans le paysage, les autres accrochent instantanément sa rétine.

Ce mardi-là, en début d'après-midi, un vent glacé balaye le hall. Face aux grandes lignes, Ronan et sa collègue répondent à des saluts de loin, rendent des poignées de main. Deux jeunes en classique uniforme jogging-baskets s'attardent pour quelques blagues. L'un d'eux soulève son tee-shirt, histoire de faire admirer ses abdos à Karen ­ éducatrice chevronnée, mais «seulement» six mois de gare du Nord au compteur. Le garçon débite des phrases avec