Dites : Bernard Lavilliers. On fait la moue à la simple évocation de ce nom. Ses roulements de mécaniques agacent. L'image de mâle surviril, dégoulinant de testostérone, serait caricaturale. Beaucoup la trouvent suspecte. Comme toutes ces choses qu'on affiche, précisément parce qu'on en doute. Il serait, par ailleurs, indécent de sa part de continuer à évoquer le monde ouvrier, les petites gens quand il ne vit plus leurs réalités. La critique est acerbe. Un brin méprisante. A la décharge de ses détracteurs, on dira qu'ils n'ont pas dû l'écouter. Entre les lignes. Avec leur intelligence et leur imagination. Ils auraient entendu le tempo de survie venu des profondeurs, la rage de vivre. Un univers musical et poétique, créé pour échapper à un monde qu'on ne changera pas, en marge duquel on invente sa vie. Rien d'étonnant pour un artiste.
Vieilles habitudes. Bernard Lavilliers est intarissable sur sa manière d'écrire, l'importance de la musique, la nécessité de la subtilité, la quête à présent d'une écriture moins «figurative.» Cette abstraction dans l'écriture suscite des images ouvrant autant d'horizons qu'il y a de sensibilités. A la question de savoir ce qui a motivé le choix de la soul sur certains titres de l'album Samedi soir à Beyrouth, on apprend qu'il écoute Gil Scott-Heron ou Al Green. En France, seuls les grands aficionados de la soul connaissent ces noms-là. On le croyait enfermé dans la salsa. La bossa. Le reggae. On déplorait même un brin