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Libération

Le despotisme irlandais

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L'Irlande est la nation européenne qui a le plus évidemment profité de la construction de l'Europe. On rencontre même des Irlandais heureux. Malheureusement, rien ne prouve qu'ils soient devenus majoritaires.
par Alain Duhamel
publié le 12 juin 2008 à 7h00

L'Irlande se prononce aujourd'hui par référendum sur le traité européen de Lisbonne, c'est à dire sur le traité institutionnel simplifié, raccourci et atrophié qui cherche à rendre possible le fonctionnement à 27 d'une Union bâtie pour six pays. Les sondages, comme toujours, se contredisent, payants mais opaques. Le non est une fois de plus possible dans la verte Erin dont le caractère ombrageux et le tempérament fantasque ne sont plus à démontrer. L'Irlande est la nation européenne qui a le plus évidemment profité de la construction de l'Europe. Lorsqu'elle est entrée au sein de la Communauté le 1er janvier 1973, l'Irlande était pauvre et malheureuse. Son niveau de vie était l'un des plus misérable du monde occidental, sa société, l'une des plus archaïques. Une Église catholique tout droit issue de la Contre-Réforme y imposait une férule féroce en matière de mœurs. Malgré la beauté désolée de ses paysages pluvieux, l'Irlande demeurait cette nation persécutée par l'Histoire dont tant de fils avaient dû se résoudre à émigrer, chassés par les famines et tyrannisés par les anglais. Trente cinq ans plus tard, l'Irlande est devenue grâce à l'Europe une nation prospère et entreprenante. Le niveau de vie a grimpé en flèche, une fiscalité hardie a attiré tant d'entreprises que l'Eire a recours à l'immigration. Le pays s'est couvert de maisons neuves et peu poétiques en remplacement des chaumières aussi vétustes que virgiliennes. En trois décennies, on est passé de James Joyce aux 4