Denis Olivennes
Directeur général du Nouvel Observateur
«Exception culturelle», c'est presque un gros mot. Elle irrite les «citoyens du monde» qui la confondent avec la préférence nationale. Elle exaspère les ultralibéraux car rien ne doit faire obstacle au libre jeu de la concurrence. Elle révolte la gauche radicale qui conspue le règne de la marchandise, et voit dans l'industrie culturelle l'instrument de la corruption des masses. Finalement, «l'exception culturelle» est sociale-démocrate, vous savez, ce truc raisonnable, un peu tiède, pas très sexy puisqu'il préfère l'éthique de responsabilité à l'éthique de conviction. «L'exception culturelle», n'en déplaise à la gauche radicale, ne récuse pas l'économie de marché. Elle constate même que c'est elle qui, avec le développement de la culture de masse, a permis aux classes populaires d'accéder enfin aux oeuvres de l'esprit. Mais, n'en déplaise aux ultralibéraux, elle croit aussi que les biens culturels sont d'une essence particulière et qu'il faut veiller, par la réglementation et la redistribution, à garantir la diversité de l'offre : les films (ou les disques) à petits ou à grands budgets, d'auteur ou commerciaux, de producteurs indépendants ou de majors, américains ou d'ailleurs, etc. Aujourd'hui cette exception est menacée. La montée en puissance de l'Internet et des télécoms crée un rapport de force extraordinairement défavorable aux artistes et à leurs producteurs. Il e