Enki Bilal
En considérant les mots-clés du débat, «mondialisation» et «repli identitaire», on pourrait se croire en face d'un oxymore. Or une évidence s'impose d'emblée : les deux sont liés. Cause à effet imparable dû à la perversité de cette globalisation exhibitionniste qui sous le prétexte cynique de concerner tout le monde, crée des exclusions économiques de plus en plus profondes et particulièrement frustrantes. Mais arriver à considérer le repli sur une communauté, le plus souvent religieux (qui phagocyte dans la foulée toute forme de culture), comme seule réponse valable, est contre-productif et dangereux. Me considérant, par mes origines balkaniques et un déracinement précoce, comme universaliste et humaniste, j'ai du mal à ne pas me dire que l'ampleur du fossé qui se nourrit de plus en plus de lui-même ne conduit pas pile dans le mur. L'exemple de la Yougoslavie explosée, en proie aux replis identitaires les plus régressifs le montre. C'est là que le rôle de l'art, de la création sous toutes ses formes, les plus métissées si possible (tout le contraire des traditions cimentées des communautaristes), apparaît comme un terrain d'engagement possible. L'objectif, utopique, mais il faut y croire, étant de faire du monde globalisé, la planète en mutation elle-même, le seul lieu de repli de l'humain. Sinon c'est vraiment l'oxymore.
Patrick Viveret
Il existe une double face de la mondialisation. La première est caractérisée depuis trois décennies par la globalisation financière du capitalisme. La seco