Sarkozy est un symptôme, c’est une affaire entendue. Et le symptôme est l’expression, en un point donné, d’un ensemble de tensions qui traversent et endolorissent un corps. Un corps physique, mais aussi un corps social, par exemple ce grand corps souffrant qu’est la France et qu’Emmanuel Todd ausculte depuis trois décennies, en démographe, en historien, en économiste - mais aussi, plus imperceptiblement, en chroniqueur inquiet, acide, hanté par sa propre quête. De livre en livre, quelque chose le guide, qui ne dit pas toujours son nom, à la fois objet et objectif de ses travaux. Or, grâce au symptôme Sarkozy, le point de fuite se dévoile pour la première fois en toute clarté. L’égalité, telle est la grande affaire de Todd. Et la nôtre.
«Comment Nicolas Sarkozy a-t-il pu devenir président de la République ?» demande la phrase d'incipit. A première vue, Après la démocratie ressemble à un essai contre le nouveau chef de l'Etat français. Depuis le fameux épisode de la présidentielle de 1995, où le candidat Chirac avait fait campagne sur la «fracture sociale» en s'inspirant de ses travaux, Todd entretient un rapport ambivalent aux hommes politiques. Souvent courtisé, mais rarement suivi dans ses conseils, il aime observer la classe politique et sa fuite incessante de la réalité. Avec une gaîté qui ressemble à un humour de potache, il raconte ici l'une de ses expériences pour faire passer une idée, en l'occurrence la critique du libre-échangisme, à laquel