Professeur de philosophie à Pointe-à-Pitre, Jack Damohay a siégé au Haut Conseil à l’intégration de 2002 à 2008 avant d’en démissionner pour protester contre la conception de l’identité nationale défendue par Nicolas Sarkozy.
Le mouvement en cours est-il un mouvement identitaire ou social?
Les deux aspects sont liés. Le LKP a su fédérer les revendications sociales qui taraudaient la société. Mais quelque chose de ce mouvement exprime une quête identitaire, un malaise qui ne peut pas être réduit à la question sociale. Historiquement, la classe ouvrière et la paysannerie de la Guadeloupe sont issues de l’ordre social esclavagiste. La départementalisation, qui marque la fin du colonialisme, ne date que de 1946. Il est donc normal que dans une colonie fraîchement départementalisée, la question identitaire insiste sur la question sociale.
Les Guadeloupéens sont-ils traités «comme des citoyens de second rang»?
L'identité républicaine française est universaliste dans son énoncé, mais nationaliste dans la réalité - le philosophe allemand Habermas l'a bien montré. Dans la société américaine, qui est plus raciste, le Blanc pourra considérer que le Noir est un homme inférieur, mais il ne pas dira qu'il n'est pas américain. En France, c'est l'inverse : un Noir est un homme égal, mais pas un Français à part entière. L'actualité le confirme : si le Gers ou Marseille étaient en grève illimitée, le Président se serait déplacé. Là, il lui a fallu un mois avant de se prononcer. Dès lors, oui, on a vraiment le sentiment d'être traité comme des citoyens «entièrement à part», pour reprendre la formule d'Aimé Césaire.
Comment analysez-vous le sentiment des Guadeloupéens envers la France?
Les Gu