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Interview

Une élite nationaliste cherche à asseoir son pouvoir» Michel Giraud

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Un sociologue guadeloupéen analyse le mouvement actuel qui paralyse l'île depuis plus d'un mois.
publié le 23 février 2009 à 6h51
(mis à jour le 23 février 2009 à 6h51)

Sociologue au CNRS. Michel Giraud est spécialiste des sociétés antillaises.

La couleur joue-t-elle un rôle dans la situation actuelle ?

Oui et non. La couleur est là comme un masque, même si c'est choquant de voir la coïncidence entre grandes fortunes, propriété foncière et couleur de peau blanche. Cela rappelle la situation coloniale. Bien sûr, il s'agit d'abord d'affrontements sociaux qui ont des conséquences politiques. Mais la question de la couleur est toujours très sensible. Encore une fois, la couleur est un masque, mais à force de parler d'une chose, on la fait exister ; à force de dire : «Nous les nègres»… Ce qui est remarquable, c'est que bien que tout soit réuni pour une «racialisation» de la situation, ça ne s'est pas encore vraiment passé, ce qui montre une grande maturité du mouvement. Cela dit, la question raciale n'est pas absente, elle est seulement euphémisée. Quand les grévistes disent : «On nous prend pour des sous-hommes, pour des chiens», c'est bien une référence au mépris colonial.

Quelle est la place des békés en Guadeloupe ?

Il n’y a pas de békés guadeloupéens, au sens strict de «béké» - descendant des propriétaires esclavagistes. Au moment de la Révolution, les békés de Guadeloupe ont été guillotinés. Pendant cette courte période, ceux de Martinique l’ont livrée aux Anglais. Sous cette protection, ils ont survécu. Quand on parle aujourd’hui des békés de Guadeloupe, il s’agit soit de békés martiniquais qui se sont installés dans l’île (on en retrouve certains dans la grande distribution), soit de Syro-Libanais et de Blancs venus d’Italie ou de mét