Patricia Braflan-Trobo est depuis dix-huit ans directrice de l'ANPE de Pointe-à-Pitre. Il y a deux ans, elle a écrit Conflits sociaux en Guadeloupe (L'Harmattan, 2007).
Un conflit de cette nature, aussi général et massif, était selon vous prévisible. Mais êtes-vous surprise par son ampleur et sa durée ?
Ce qui m’a surprise, c’est qu’il reste pacifique, serein même, eu égard aux violences de la vie quotidienne. Car la situation n’était pas tenable. Ce n’est pas possible de vivre ainsi, avec des prix si élevés et des salaires de misère dans les entreprises privées. Les petits salaires peuvent être acceptés dans des toutes petites entreprises où le salarié voit que son patron ne roule pas sur l’or. Mais, dans les grandes entreprises qui font de gros bénéfices, cela ne passe pas.
Pourtant, les représentants des petites entreprises ont accepté de faire des hausses de salaires de 50 euros, alors que le Medef local, plutôt lié aux grandes entreprises, a refusé…
C’est bien le paradoxe. Et c’est la particularité de ce conflit. Les PME, qui forment ici plus de 95 % des entreprises, sont toutes très petites : deux, trois salariés. Le patron n’est pas franchement un possédant et, s’il peut, il fait volontiers un geste. Tout se sait, tout se voit. Mon mari, par exemple, a une laverie automatique à Pointe-à-Pitre. Depuis deux mois, son seul souci est de payer son unique salarié car, avec le mouvement de grève, lui ne peut plus se payer. Mais comme à côté il a un travail de consultant… C’est comme cela que les choses se passent, avec une grande souplesse d’organisation. Je ne dirais pas que c’est un mode de fonctionnement paternaliste. C’est un management guadeloupéen.
Mais qui ne prévaut pas partout…
Un grand changement est survenu il y a vingt ans, avec l’arrivée en Guadeloupe des Békés martiniquais qui ont racheté beaucoup d