Difficile d’y voir clair. Tellement l’air, en cette fin d’après-midi, est saturé. De heurts. De cris. D’injures. De regards rouges et irrités. De fumées noires et d’explosions de grenades lacrymogènes. Nous sommes le 6 mars, en plein cœur de Fort-de-France, en Martinique, face à la maison des syndicats, à une centaine de mètres de la place François-Mitterrand, anciennement place Stalingrad. Et les gardes mobiles, encerclés par la foule des grévistes, reculent.
Nihilistes. Ils reculent car ils ont peur. Ils ont peur car ils ne comprennent plus. Venus du froid pour aider à ramener l'ordre sous le soleil, ils vivent, depuis les émeutes du Mardi gras et du mercredi des Cendres, sous la protection des médiateurs diligentés par la ville. Car tout le monde a bien conscience que la mairie, dès que la nuit est tombée, protège les forces de l'ordre, en agissant, pour les neutraliser, sur les têtes les plus nihilistes de certains quartiers désespérés. Là où le crack, le crime, la peine, le trafic d'armes, le chômage et le sentiment d'abandon social sont le pain quotidien. Là où les «macoutes venus de France» sont attendus comme la balle attend sa cible.
Et nombreux sont ceux qui redoutent le jour où les élus, les plus modérés, ne seront plus en mesure de contrôler la violence nue qui, en marge d’un conflit commencé depuis plus d’un mois, guette, avec de plus en plus d’impatience, son heure extrême. Le désespoir social donnant alors la main au désespoir politique de certains