Depuis 2005 et le rejet du traité constitutionnel européen, l’Europe était à l’envers, tête-bêche : le couple francoallemand ne fonctionnait plus, les décisions s’enlisaient, les projets significatifs s’évanouissaient, l’initiative et l’influence se situaient nettement du côté anglo-saxon. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne menaient le jeu. L’Union européenne dérivait vers le grand marché transatlantique dont ont toujours rêvé Washington et Londres. Comme prévu si le non l’emportait, il n’y avait donc pas moins de capitalisme financier mais plus de capitalisme financier. Voilà peut-être le seul acquis positif de la crise : à partir du moment où la situation s’est vraiment aggravée, l’Europe s’est remise à l’endroit. Face à l’urgence du tremblement de terre financier et aux épreuves sociales qu’il entraîne, on a vu soudain les traits fondamentaux de l’Europe s’imposer de nouveau. La gravité de la situation commandait un retour aux sources, malgré le handicap des infirmités institutionnelles. Devant les souffrances des vingt-sept sociétés nationales, l’Union a fini par ressusciter.
C’est sur le plan économique que les choses sont le plus spectaculaires. Depuis une dizaine d’années, les dérégulations se multipliaient en Grande-Bretagne bien sûr, mais aussi sur le continent. L’économie de marché devenait de plus en plus une économie financière dont la croissance dépendait d’une sophistication toujours plus opaque des produits financiers et, trop souvent, d’une spéculation effré