Qu'un magistrat ait décidé de poursuivre un quidam qui provoquait l'hilarité lors d'un contrôle de police en proférant «Sarkozy je te vois !» en dit long sur la relation qu'entretient le chef de l'Etat avec ses concitoyens. Le Président de la République n'est pas à l'initiative de la plainte. Mais après le «casse-toi pauv' con !» du salon de l'agriculture de 2008, ou l'affaire de la poupée vaudou à son effigie, pour laquelle Nicolas Sarkozy avait engagé des poursuites, on ne s'étonne plus de voir un procureur retenir le caractère «injurieux» du «tapage diurne» qui a troublé l'ordre public gare Saint-Charles à Marseille.
La doctrine officielle en matière de poursuites judiciaires contre ceux qui brocardent le chef de l'Etat évoluait pourtant depuis un demi-siècle dans le sens d'une tolérance quasi totale. Qu'en 1942, le maréchal Pétain fasse poursuivre un insolent qui l'avait traité de «vieux cul» était dans l'ordre des choses.
Douteux. Dans les années 60, le général de Gaulle avait plus d'une centaine de fois porté plainte pour «offense au président de la République». Mais, rappelle Raphaël Piastra, maître de conférences à l'université d'Auvergne, «le contexte était particulier: l'extrême droite pro-algérienne se déchaînait».
Ses successeurs, soucieux de se poser en garants de la liberté d’expression, évitèrent le plus souvent possible d’engager des poursuites. Georges Pompidou se contenta d’interd