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Libération
Interview

«Le Président tord les institutions»

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Dominique Rousseau pointe les dérives présidentielles d’un régime qui ne dit pas son nom :
publié le 22 juin 2009 à 6h51
(mis à jour le 22 juin 2009 à 6h51)

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université de Montpellier-I et membre de l'Institut universitaire de France dénonce la volonté de Nicolas Sarkozy de «tordre les institutions à son profit», mais estime «puérile» l'attitude de l'opposition.

D’où vient historiquement l’interdiction faite au Président de s’exprimer en personne devant le corps législatif ?

D'abord, il faut préciser que le principe d'une communication entre le chef de l'Etat et le Parlement a toujours été accepté, et ce, dès la Constitution de 1791. La seule question était celle de la forme, orale ou écrite. La forme écrite est devenue la règle sous la IIIe République, après que le président de l'exécutif, Adolphe Thiers, orateur redoutable, a réussi à convaincre l'Assemblée constituante, alors majoritairement monarchiste, d'adopter la République. Pour se venger, la majorité conservatrice a voté une loi interdisant au chef de l'Etat de se présenter en personne devant l'Assemblée. A l'origine, il ne s'agissait pas pour la Chambre de marquer la séparation des pouvoirs, mais de se protéger du talent oratoire du chef de l'exécutif.

Le Président devant le Congrès, est-ce le signe d’un changement de régime ?

Tout dépend du contenu du message. Les messages écrits pouvaient être anodins, simple message de bienvenue du chef de l'exécutif à une assemblée nouvellement élue, ou très politique. Ce fut le cas par exemple sous la IVe République du message du président René Coty appelant le Parlement à donner sa confiance «au plus illustre des Français», autrement dit de Gaulle, pour constituer un gouvernement, faute de quoi il démissionnait.